Résistance et Déportation dans la vallée du Rabodeau
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Le maquis que l’Histoire avait oublié

Géographie
Article mis en ligne le 6 novembre 2007
dernière modification le 7 octobre 2020

par Gerard

Quelques rappels pour mieux comprendre les circonstances particulières de la Résistance d’ici

Au lendemain de l’armistice de juin 40 le territoire de la France est découpé en plusieurs morceaux appelés "Zones" : Zone Occupée, Zone Libre, Zone Annexée, Zone Réservée... Notons que celles-ci seront évolutives [1]

 La Zone Annexée n’est autre que l’Alsace Lorraine (en fait Alsace Moselle) réintégrée à l’Allemagne dans ses frontières de 1871 à 1918, celles du Traité de Francfort [2]
 La Zone Réservée est une colonie tampon contigüe de celle ci, délimitée côté ouest par une ligne qui va de la frontière avec la Suisse aux Ardennes

En conséquence :

 Ce qui reste du département des Vosges coupé en 2 à la suite de la guerre de 1870 [3] se retrouve une fois de plus "aux premières loges", une fois de plus frontalier de l’Allemagne par la "ligne des crêtes"

 Le versant "français" du massif des Vosges devient ainsi glacis de protection du IIIème Reich. Peu à peu l’occupant le bordera d’une ceinture de défense, qu’il fortifiera au moment critique de l’offensive alliée de l’automne 44 : le Schutswall West (en gros l’ancienne ligne de front de la guerre de 14-18, ce "mur" suivant ici une ligne Badonvillers, Raon l’Etape, Moyenmoutier, Saint Dié, Fraize... ). Plus à l’Ouest se tiendra un "Vorvogesen Stellung"

 Les villages du haut de la vallée du Rabodeau comme Moussey, Le Saulcy Quieux, Belval, Le Puid, Le Vermont... sont une fois de plus directement sur la frontière [4]. De même que ceux du haut de la vallée parallèle de la Plaine comme Raon sur Plaine, Raon les Leau... et ceux des autres vallées jusqu’au territoire de Belfort

 La vallée de la Bruche occupe (réoccupe) consécutivement une place stratégique. Elle est un passage central (depuis la nuit des temps) entre l’Alsace et la France "de l’intérieur". Débouchant sur plusieurs vallées côté ouest (Plaine, Rabodeau, Hure, Fave... ) elle sera une porte de sortie majeure pour les évadés du Reich, et une porte d’entrée stratégique lors de la "reconquête" de novembre 44. L’étroitesse des liens familiaux, un patois latin commun et la quasi identité économique et culturelle entre les 2 versants des Vosges à cet endroit auront un rôle capital dans les 2 cas

Devenu dernier rempart du Reich en juillet 44 le massif des Vosges sera l’un des ultimes enjeux de la libération du territoire. Les conséquences en seront lourdes : pour ici ce sera l’enfermement des villages dans le front de mi août au 22 novembre (date de leur libération) et l’hécatombe conjointe de la Résistance et de l’Opération Loyton

Ajoutons :

 Qu’une frontière, dans ces circonstances en particulier, c’est fait pour être "passé" : de la défaite de juin 40 à novembre 44 plus de 15 000 évadés d’Allemagne (Alsace et pour une moindre part Moselle des Vosges) ont traversé vers ici le massif du Donon. Ce n’est donc pas sans raison qu’est érigé ici, à Raon sur Plaine, le Monument National des Evadés de Guerre et des Passeurs
 Qu’en raison de ces mêmes circonstances la géographie sauvage et compliquée de l’immense massif forestier et le farouche esprit d’indépendance des "hommes des bois" d’ici ont tout naturellement constitué le terreau du Maquis de 44
 Que c’est ici, parce que passage le plus court entre la France "de l’Intérieur" et le coeur de l’Alsace... ouvert sur le Rhin [5], que l’état-major allié a décidé de centrer l’Opération Loyton. Que c’est ici qu’a consécutivement eu lieu le premier parachutage des troupes spéciales britanniques et des armes pour le "Maquis d’ici" (13 août 44), suivi de 5 sur 8 des autres. Que la percée sur la vallée de la Bruche, et donc le "dégagement" des cols du Donon, du Hantz, de Saales, était dès après le débarquement de Normandie, a fortiori après la libération de Paris et plus tard, un enjeu si stratégique majeur...