Résistance et Déportation dans la vallée du Rabodeau
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Le maquis que l’Histoire avait oublié

L’« homme des bois » et son cadre de vie
Article mis en ligne le 5 janvier 2007
dernière modification le 8 août 2023

Un massif forestier sans fin [1] et mystérieux. Une vallée de 25 kilomètres, dans un relief compliqué, s’enfonçant en Y vers le Hantz et le Donon [2]. Plus de 2 000 ans d’histoire et une une formidable ressource de vie [3]

Une position stratégique :

 Passage culturel et commercial depuis la nuit des temps entre la Germanie et la France [4]. Les "brisées" celtes puis le formidable réseau de voies romaines. Les 2 cols du Hantz et du Donon. La « route de Prayé »...
 2 fois territoire frontière de l’Allemagne dans l’histoire récente : Alsace-Moselle intégrée de 1871 à 1918 à l’empire allemand par le "Traité de Francfort" de 1871, annexée au lendemain de la défaite de juin 1940

Un riche héritage :

 Présence d’outils du néolithique. Vestiges de la période celtique
 Temple romain du Donon. Multitude de voies romaines
 Mines de fer et de métaux précieux. Ancienne route du sel. Communautés mennonites...
 Les 3 puissantes abbayes de Senones, Moyenmoutier et Etival [5]
 La principauté de Salm, restée indépendante jusqu’en 1793, date de son ralliement à la France de la Révolution [6]
 Une histoire et un savoir-faire du textile et du bois exceptionnels. C’est à Senones en 1806 que l’Anglais John Heywood installe la première filature mécanique des Vosges, le tissage "Jacquart" de Moussey démarre en 1812. Et la vallée compte encore plus de 50 scieries en 1940...

Une économie intelligente :

 De l’eau partout, mise à profit pour irriguer les sols et fournir l’énergie
 Une immense forêt de sapins. Quantité de chantiers forestiers et de scieries de "haut fer" [7]
 Plus de 50 "fabriques" textiles [8] : 20 filatures et tissages, plus de 30 sous-traitants et façonniers, qui viennent compléter l’économie ancestrale de l’agriculture, du bois, de la pierre... [9]
 Une agriculture de montagne omniprésente, toujours pratiquée par la plupart de ceux devenus ouvriers
 Tous les métiers, commerces et services sur place
 Un réseau d’innombrables sentiers, chemins et routes
 Les 2 chemins de fer qui desservent d’un bout à l’autre les vallées de la Plaine et du Rabodeau [10]. Jalonnés de quantités de chargeoirs et "abris-trains" [11]

L’attachement viscéral à sa terre et son chez-soi de l’homme d’ici. Et de quoi les défendre [12] :

La singularité du Vosgien d’ici :
 Son farouche esprit d’indépendance
 Sa solidité de montagnard et sa détermination
 Sa culture d’homme de frontière [13]
 Sa modestie apprise en restant debout face aux réalités de sa rude vie quotidienne : on ne bavarde pas ici, on fait, et se vanter est une faute
 Des fusils dans toutes les maisons : fusils de chasse, Lebel et Mauser de la guerre de 14 dont chasseur ou braconnier, ancien combattant de 14, on sait se servir
 Quantité de lieux quasi inaccessibles, beaucoup seulement connus de quelques initiés
 Les innombrables "restes" des 4 années de front et d’occupation de la guerre de 14 : casemates, blockhaus, observatoires...

Indispensables pour "savoir de quoi on parle", ces portraits du Vosgien de la montagne filmés par Jacques Cuny. Cliquer


La mémoire de ce qu’est la guerre "aux premières loges", celle-ci est la 3ème en 70 ans, l’attachement viscéral du Vosgien d’ici à la liberté républicaine, la nature indépendante de l’homme et sa fiabilité... sa fierté bafouée pour la 3ème fois... l’immense et inextricable massif forestier... Autant de raisons et d’atouts qui sont instinctivement et aussitôt mis à profit, pour accueillir, camoufler, exfiltrer les évadés venus de "l’autre côté", pour "mettre les bâtons dans les roues" puis pas après pas saboter, renseigner, organiser la lutte pour se débarrasser de l’occupant

Le terreau adéquat pour remplir 5 années d’une histoire lourde des vies engagées, risquées, perdues, salies ou héroïques. L’effroyable prix payé d’avoir voulu rester debout, qui fera de la vallée du Rabodeau la vallée aux 1 000 déportés, celle que le général de Gaulle nommera "La Vallée des Larmes"

Une occasion de réfléchir autour de ces mots écrits après guerre (par les hommes des Forces spéciales britanniques !) : "There is no glory in the war. Only death, shattered bodies... and disturbed minds" (Il n’y a pas de gloire dans la guerre. Seulement la mort, des corps brisés... et des esprits dérangés)